La campagne de Saghro
Dans son ouvrage sur les traces glorieuses des pacificateurs de Maroc (Ed. Charles Lavauzelle et Cie - Paris 1939), le colonel L. Voinot a consacré son chapitre 125 à la campagne du Saghro dont l'une des batailles principales fut celle de Bougafer.
Voici ce qu'il en écrit :
Ces deux inscriptions ornent la stèle érigée sur la piste du Saghro, aux environs d'Isk-n'Aït Yazza. La première, qui constitue la dédidace, occupe l'une des faces de la pyramide ; la seconde se trouve au milieu du socle. Le monument ne vise de façon directe que la campagne du Saghro ; mais celle-ci est liée à l'action antérieure dans les vallées du Dadès et du Todgha, action dont elle découle.
Au temps où les Glaoua doivent assurer, par leurs propres moyens, la police des territoires situés au-delà du Haut-Atlas, le Résident leur prescrit de faire une diversion à l'ouest du Ziz, pour aider la colonne du général Poeymirau qui marche contre les rebelles de cette vallée.
Le Pacha El Hadj Thami rassemble donc une dizaine de milliers de partisans à Marrakech, mais les chutes de neige retardent son départ. La Harka peut franchir la montagne, vers le milieu de janvier 1919 : le 18, elle est au Dadès et, le 22, au Todgha, El Hadj Thami livre plusieurs combats; il pacifie et organise les populations, puis réussit à entrer en liaison, le 29, avec le colonel Mayade, qui a remplacé le général Pœymirau atteint d'une blessure grave.
L'effet désiré est obtenu. Les Glaoua ont, en outre, affirmé leur autorité dans les tribus lointaines de leur commandement. Celles-ci sont ensuite travaillées par un agitateur xénophobe. Une nouvelle harka va rétablir l'ordre au Dadès et au Todgha, en juillet-août 1920; son chef use de la force envers les récalcitrants.
Après avoir atteint Bou-Malem sur le Dadès, on active la progression vers l'Est dans le vaste couloir entre l'Atlas et la ride montagneuse du Sud. Le but poursuivi a une grande importance, il s'agit, en effet, de donner le plus tôt possible la main aux troupes des confins, de manière à ouvrir la rocade Ouarzazate - Ksar Es-Souk.
Le prochain bond est prévu à limiter, que le lieutenant-colonel Chardon ve reconnaître, le 3 avril, le maréchal Franchet-d'Esprey et le général Huré, commandant la région de Marrakech, visitent également ce point quelques jours plus tard. L'occupation a lieu, pacifiquement, le 3 mai, le poste est aménagé aussitôt. Puis, le 28 juillet, on parvient à installer une garde fixe de partisans dans le djebel Saghro, à Tagoudilt-n'Aït Bou Daoud; dès le lendemain, ces auxiliaires perdent un tué au cours d'un échange de coups de feu avec des rôdeurs.
Au mois d'octobre, le Commandement fait hâter la construction de la piste se dirigeant vers le Todgha; celle-ci a été entreprise au lendemain de l'arrivée à Imter. Pour assurer la protection du chantier, des partisans s'établissent au Foum El Khous-n'Tazout, le 21. A ce moment, les pillards se montrent très entreprenants; ils exécutent, à plusieurs reprises, des coups de main contre les tirailleurs employés aux travaux. Le Sagho est devenu le refuge des rôdeurs, qui circulent en bordure de la zone soumise; des Djemaâs protestent néanmoins de leurs bons sentiments à l'égard du Makhzen.
Malgré les inconvénients résultant de l'insécurité, le général Catroux, chef de la région de Marrakech, se trouve bientôt en mesure de marcher sur le Todgha.
Le groupe mobile comprend six bataillons, deux escadrons, quatre batteries, un goum, cinq cent partisans, il doit faire l'opération en deux temps. Le 14 novembre, Catroux réalise le premier bond; il part d'Imiter et campe sur la position intermédiaire de Foum El Khous, où les troupes stationnent jusqu'au 18. Ce jour-là, la colonne gagne la ligne du Bast-Todgha; elle occupe sans coup férir le ksar de Tinghir, que la piste atteint presque de suite. A partir du 22, tous les ksars demande 11nt l'Aman; en prévision de la venue des Français, les habitants avaient expulsé, quelques jours auparavant, les dissidents étrangers réfugiés dans le district. Du fait de la nouvelle avance, les éléments de Marrakech ne sont plus séparés de ceux des confins que par une faible coupure.
Aussitôt maître du Todgha, le général organise le pays, en accord avec les chefs Glaoua. Le 19 novembre, il procède à l'occupation de Taria et des Aït-Ouaritane; le seul président consiste en une escarmouche des partisans avec les gens de Tizgui. Le Dejemaâ des Aït Fersi, une tribu ayant son habitat au Sud, sur l'Oued Ichem, vient se présenter à Tinghir. Des reconnaissances circulent aux environs : l'une d'elles atteint sans difficulté le Ras-Staf, à moins de dix kilomètres du Ferkla, le 26.
Puis Catroux reconnaît à son tour le Ras-Staf en automobile, le 16 décembre. Une vingtaine de jours plus tard, le 5 janvier 1932, un groupe s'avance jusqu'à Bou-Tara, vers la pointe nord-ouest du djebel Tisdafine dont l'autre extrémité est proche du Ras-Staf.
La jonction
A quelque temps de là, les forces de Marrakech et des confins réalisent leur jonction, le 11 février, le jour où les dernières s'emparent du Ferkla. Un détachement venant de l'Ouest, sous les ordres du colonel François, aide à encercler l'oasis, il reste ensuite quarante-huit heures à la disposition du général Giraud pour l'opération d'Ifegh.
La grande voie de communication Ouarzazate - Ksar Es-Souk se trouve désormais en entier sous notre contrôle, mais l'insécurité astreint à une sévère discipline de la circulation. Les attentats sont fréquents, en particulier contre les isolés. Environ 350 fusils Aït Moghrad et Aït Hadidou opèrent au Todgha, au milieu de mars; le 13, ils attaquent le ksar Aït-Izdeg. Les partisans repoussent les agresseurs en leur infligeant des pertes; ils ont eux-mêmes deux tués.Les unités stationnant dans la région montrent beaucoup d'activité. Les 7 et 8 avril, elles effectuent deux nouvelles liaisons avec les troupes des confins, en direction du djebel Tisdafine. Le 13, le commandant du territoire, le lieutenant-colonel Chardon, pousse sans incidents jusqu'au Tizi-n'Ifegh. Puis, le 18 mai, un groupe d'éléments légers atteint les Aït El Fersi, dans une vall��e tributaire du Todgha, sur la piste du Ferkla; la population affirme son loyalisme. Enfin, le 20 une reconnaissance circule dans la Haut-Todgha et arrive à Zaouia Sidi Abdellali; elle reçoit partout le meilleur accueil. Sur ces entrefaites, des Aït Ouallal, Aït Ourir, Ilemchane se présentent à la Kelaâ des Mgouna; ils manifestent l'intention de s'unir pour mettre obstacle au développement des influences hostiles au Tazzarine. D'autres Ilemchane font une démarche analogue à Zagora. Notre action pacificatrice obtient peu à peu des résultats intéressants.
Mais les rôdeurs poursuivent leurs exploits. Dans le courant de juin, la chasse aux bandits oblige à des mouvements incessants.
Le 8 septembre, un djich exécute une violente attaque contre la fezza de Tinghir; il est rejeté avec pertes. Nous avons deux goumiers tués et six blessés. Pourtant, la surveillance imposée aux forces irrégulières n'empêche pas celles-ci de prendre part aux opérations. Vers la fin de novembre, 250 partisans de Bou-Malem se rassemblent à Tagoudit n'Aït Bou Daoud, au sud de la piste conduisant à Imiter : leur mission est de couvrir le groupe mobile marchant sur le Tazzarine.
Un goum et 260 partisans de Tinghir occupent, dans le même but, une position à l'Est du Tizi-n'Boujou. En décembre, des dissidents s'établissent au col de Tinezrai, dans le djebel Hamdoun, à une dizaine de kilomètres au Nord de Tinghir; canonés par le poste, puis contre-attaqués au cours de l'après-midi, ils sont mis en déroute. Nous perdons 2 supplétifs tués et 3 blessés.
Hostilites
Par ailleurs, les nombreux irréductibles retirés au Saghro ne manquent aucune occasion de manifester leur hostilité; ils adressent des menaces de représailles aux notables, qui cherchent à composer avec nous. Leur action s'exerce principalement au Sud, vers le Tazzarine, et à l'Est, sur le front du Regg que surveille Alnif. Comme les incidents se multiplient, l'aviation bombarde à maintes reprises les campements rebelles; on resserre, en outre, le blocus économique et on arme les tribus sûres. Pour en finir, le Commandement décide, au mois de février 1933, de régler la question du Saghro avant les dernières opérations du Haut-Atlas. C'est a priori une grosse affaire car ce massif aride, difficile, est mal connu ; les pillards en ont fait leur réduit. Le groupement qui s'abrite dans le Saghro compte environ 800 familles, dont un millier de guerriers résolus, bien armés et pourvus de cartouches.
Les frères Hasso et Basso. Ou Basalem sont l'âme de la Résistance. La nature chaorique de la montagne est favorable à la défense ; aussi, juge-t-on préférable de confier l'attaque à de fortes harkas soutenues par des goums, au lieu d'y employer des réguliers. Pour l'opération, on constitue deux groupements. Celui de l'Ouest aux ordres du général Catroux, à la composition suivante : 4.400 partisans, 6 goums et la milice d'artillerie de Marrakech, qui sont répartis en quatre harkas. Trois de celles-ci, sous les capitaines Lacroix, Barrieux et Spillmann, se massent respectivement au Nord, au Nord-Ouest et au Sud-Ouest; la dernière, sous le capitaine Daumarie, qui dispose des canons, se tient en réserve vers lgoudmane. Le lieutenant-Colonel Chardon commande l'ensemble des harkas. Le groupement de l'Est, aux ordres du général Giraud, comprend une harka de 800 partisans et 1 goum, sous le capitaine Paulin; le groupe du lieutenant-colonel Tarrit, soit 1 goum, 300 partisans, 1 compagnie montée de légion, 1 compagnie de Sénégalais, la compagnie saharienne du Ziz, 1 escadron de spahis; le groupe du lieutenant-colonel Despas, fort de 900 partisans, 3 goums, 1 compagnie montée de légion, 1 escadron de spahis, 1 batterie de légion, 1 peloton d'auto-mitrailleuses.
Des dispositifs de barrage sont organisés au Sud, par le commandant Vincent, avec une demi-compagnie de légion, 1 escadron de spahis, 2 pelotons d'autos-mitrailleuses et des partisans. L'aviation met en ligne 4 escadrilles. Le général Huré, commandant supérieur des troupes, s'installe à Tinghir. Les harkas entament leur mouvement dans la nuit du 12 au 13 février. Au cours de la journée, il se produit quelques escarmouches. Un fort parti ennemi enlève des animaux à la compagnie de légion du groupe Despas ; 6 légionnaires sont tués.D'autre part, un avion tombe chez les dissidents; l'équipage, comprenant le lieutenant observateur de Saulieu de la Chaumonerie, disparaît. Pendant l'avance du 15, le capitaine Lacroix a un vif engagement vers Tizi-n'Oulili; les partisans n'ont pas une attitude très ferme et les goums, qui les appuient, perdent des tués. Les harkas convergent vers la cuvette d'Imsaden en bousculant les insoumis; ces derniers se replient au cœur du massif dans le djebel Bougafer. De rares familles demandent l'Aman. Les 16 et 17, l'étreinte se resserre progressivement autour des réfractaires, mais leur résistance rend la manœuvre délicate; les assaillants arrivent d'ailleurs devant les formidables escarpements du plateau des Aiguilles, la partie la plus tourmentée de la montagne. Les difficultés apparaissent si grandes que le général Huré décide de prendre le commandement effectif ; il forme deux sous-secteurs à l'Ouest et à l'Est, sous les généraux Catroux et Giraud.
Cela tourne à la guerre de tranchées; Hurée envisage de renforcer les supplétifs par des réguliers. A cette date, nous avons 11 réguliers et supplétits tués, 3 blessés, dont 1 officier.
Blocus
Durant la période du 18 au 28 février, on s'applique à rendre le blocus de plus en plus étroit; il en résulte l'obligation d'occuper certaines positions dominantes. Les avions exécutent des bombardements massifs sur les lignes ennemies. Le 20, les assiégeants prennent pied dans la zone sud-est du plateau des Aiguilles, puis, le lendemain, ils donnent un assaut général; malgré des efforts inouis, la journée se solde par des gains insignifiants. Le lieutenant-colonel Chardon est grièvement blessé. Comme la résistance de l'adversaire ne faiblit pas, les attaques du 22 n'ont également qu'un succès médiocre, néanmoins, l'encerclement est à peu près réalisé, le 23. Le jour suivant, les partisans du groupement ouest réussissent à atteindre le sommet du plateau; ils en sont rejetés et un nouvel assaut, lancé dans l'après-midi, échoue. Sur le front de combat, les nôtres sont tenus en arrêt. Au cours de la nuit, les dissidents essaient à leur tour de rompre le barrage à l'Ouest; cette tentative n'a pas de résultat. De leur côté, les forces françaises attaquent encore sans succès, durant la nuit du 21 au 25. Les assiégés sollicitent alors une trêve de vingt quatre heure, qui est accordée mais ils opposent ensuite un refus insolent à l'invitation de mettre bas les armes.
Une lutte acharnée
Cette lutte acharnée s'étermise, aussi le commandement prépare-t-il une attaque puissante, qu'il voudrait décisive. Celle-ci est déclenchée, le 28 février, à 7 heures, l'artillerie et l'avion battent violemment les objectifs. Mais, après une avance de quelques centaines de mètres, goumiers et partisans sont arrêtés par un feu très dense ; l'ennemi les repousse en leur infligeant les pertes énormes. A midi, le général Huré donne l'ordre de rompre le combat; il se borne, dorénavant, à établir un cercle infranchissable autour de Bougafer considéré comme inexpugnable. Du 18 au 28, nous avons eu 11 officiers tués, le 21, le lieutenant interprète Alessandri, de la compagnie saharienne, le 22, le lieutenant Landon, des affaires indigènes d'Algérie : le 24 le lieutenant Bureau, des spahis ; le 25, le lieutenant Timpagnon, des Sénégalais, le sous lieutenant Sieurac, des goums : le 28, les capitaines de Lespinasse de Bournazel, des affaires indigènes, Faucheux, de la légion, les lieutenants Le Chevalier, des Sénégalais, Poidevin, des traiteurs marocains, Binet, des affaires indigènes, Brincklé, de la légion.
Les auxiliaires sont tombés en grand nombre. Enfin, les pertes des réguliers s'élèvent à 51 tués, 2 disparus, et 83 blessés, dont 9 officiers.
Au début de mars, le blocus est organisé de façon rigoureuse. Tous les goums sont maintenus, ainsi que 1.800 partisans; les autres regagnent leurs villages. Plusieurs bataillons avec une forte artillerie entrent en ligne. Ce siège en règle gêne beaucoup les dissidents; leur ravitaillement devient impossible. Ils sollicitent donc une deuxième trêve, le 5, mais les pourparlers échouent.
Trois jours plus tard, le 8, on change le dispositif d'investissement ; les canons et les avions harcèlent l'adversaire sans trêve. Cela amène quelques soumissions isolées, en revanche, la masse s'obstine à tenir jusqu'à la dernière extrémité. Les assiégés font un ultime effort de nature dans la nuit du 17 au 18; le barrage ne cède pas. Devant l'inutilité de la résistance, Hasso se résigne enfin à offrir une capitulation, le 24; le lendemain, il se présente avec les autres guerriers aux trois généraux réunis et Huré reçoit leur soumission. A ce moment, le groupe compte encore 2.949 personnes, dont 465 combattants. Entre le 1er et le 25, nous avons 1 régulier tué et 4 blessés.
Néanmoins, l'insécurité ne disparaît pas avec la chute du bastion dissident du Saghro. Moins de deux mois après, le 9 mai, le lieutenant du génie Bonnin, employé sur les chantiers de la piste, tombe dans une ambuscade; il est tué avec un des spahis d'escorte.
Puis, durant plusieurs années, les attentats continuent dans la région. Il existe, en effet, deux bandes d'irréductibles, l'une des Aît Moghrad, l'autre des Aït Khebbach, qui attaquent les isolés, surtout entre le Dadès et le Gheris, notamment au voisinage de Tinghir.
A diverses reprises, des Européens tombent sous les coups des Aït Moghrad.
Le dernier incident grave a lieu le 30 décembre 1935; trois de ces bandis pénètrent dans Tinghir, à la tombée de la nuit, et massacrent à coup de fusil quatre légionnaires attablés dans un café.
La poursuite échoue; 1 partisan est tué. Les supplétifs de Tinghir prennent une revanche, le 5 mars 1936; ils encerclent à Tadafalt, vers Taria, le chef de bande avec trois acolytes. Au cours de la matinée, ces auxiliaires enlèvent le ksar à la grenade; ils exterminent les quatre Aït Moghrad, mais perdent 3 tués et 1 blessé.
Ces deux inscriptions ornent la stèle érigée sur la piste du Saghro, aux environs d'Isk-n'Aït Yazza. La première, qui constitue la dédidace, occupe l'une des faces de la pyramide ; la seconde se trouve au milieu du socle. Le monument ne vise de façon directe que la campagne du Saghro ; mais celle-ci est liée à l'action antérieure dans les vallées du Dadès et du Todgha, action dont elle découle.
Au temps où les Glaoua doivent assurer, par leurs propres moyens, la police des territoires situés au-delà du Haut-Atlas, le Résident leur prescrit de faire une diversion à l'ouest du Ziz, pour aider la colonne du général Poeymirau qui marche contre les rebelles de cette vallée.
Le Pacha El Hadj Thami rassemble donc une dizaine de milliers de partisans à Marrakech, mais les chutes de neige retardent son départ. La Harka peut franchir la montagne, vers le milieu de janvier 1919 : le 18, elle est au Dadès et, le 22, au Todgha, El Hadj Thami livre plusieurs combats; il pacifie et organise les populations, puis réussit à entrer en liaison, le 29, avec le colonel Mayade, qui a remplacé le général Pœymirau atteint d'une blessure grave.
L'effet désiré est obtenu. Les Glaoua ont, en outre, affirmé leur autorité dans les tribus lointaines de leur commandement. Celles-ci sont ensuite travaillées par un agitateur xénophobe. Une nouvelle harka va rétablir l'ordre au Dadès et au Todgha, en juillet-août 1920; son chef use de la force envers les récalcitrants.
Après avoir atteint Bou-Malem sur le Dadès, on active la progression vers l'Est dans le vaste couloir entre l'Atlas et la ride montagneuse du Sud. Le but poursuivi a une grande importance, il s'agit, en effet, de donner le plus tôt possible la main aux troupes des confins, de manière à ouvrir la rocade Ouarzazate - Ksar Es-Souk.
Le prochain bond est prévu à limiter, que le lieutenant-colonel Chardon ve reconnaître, le 3 avril, le maréchal Franchet-d'Esprey et le général Huré, commandant la région de Marrakech, visitent également ce point quelques jours plus tard. L'occupation a lieu, pacifiquement, le 3 mai, le poste est aménagé aussitôt. Puis, le 28 juillet, on parvient à installer une garde fixe de partisans dans le djebel Saghro, à Tagoudilt-n'Aït Bou Daoud; dès le lendemain, ces auxiliaires perdent un tué au cours d'un échange de coups de feu avec des rôdeurs.
Au mois d'octobre, le Commandement fait hâter la construction de la piste se dirigeant vers le Todgha; celle-ci a été entreprise au lendemain de l'arrivée à Imter. Pour assurer la protection du chantier, des partisans s'établissent au Foum El Khous-n'Tazout, le 21. A ce moment, les pillards se montrent très entreprenants; ils exécutent, à plusieurs reprises, des coups de main contre les tirailleurs employés aux travaux. Le Sagho est devenu le refuge des rôdeurs, qui circulent en bordure de la zone soumise; des Djemaâs protestent néanmoins de leurs bons sentiments à l'égard du Makhzen.
Malgré les inconvénients résultant de l'insécurité, le général Catroux, chef de la région de Marrakech, se trouve bientôt en mesure de marcher sur le Todgha.
Le groupe mobile comprend six bataillons, deux escadrons, quatre batteries, un goum, cinq cent partisans, il doit faire l'opération en deux temps. Le 14 novembre, Catroux réalise le premier bond; il part d'Imiter et campe sur la position intermédiaire de Foum El Khous, où les troupes stationnent jusqu'au 18. Ce jour-là, la colonne gagne la ligne du Bast-Todgha; elle occupe sans coup férir le ksar de Tinghir, que la piste atteint presque de suite. A partir du 22, tous les ksars demande 11nt l'Aman; en prévision de la venue des Français, les habitants avaient expulsé, quelques jours auparavant, les dissidents étrangers réfugiés dans le district. Du fait de la nouvelle avance, les éléments de Marrakech ne sont plus séparés de ceux des confins que par une faible coupure.
Aussitôt maître du Todgha, le général organise le pays, en accord avec les chefs Glaoua. Le 19 novembre, il procède à l'occupation de Taria et des Aït-Ouaritane; le seul président consiste en une escarmouche des partisans avec les gens de Tizgui. Le Dejemaâ des Aït Fersi, une tribu ayant son habitat au Sud, sur l'Oued Ichem, vient se présenter à Tinghir. Des reconnaissances circulent aux environs : l'une d'elles atteint sans difficulté le Ras-Staf, à moins de dix kilomètres du Ferkla, le 26.
Puis Catroux reconnaît à son tour le Ras-Staf en automobile, le 16 décembre. Une vingtaine de jours plus tard, le 5 janvier 1932, un groupe s'avance jusqu'à Bou-Tara, vers la pointe nord-ouest du djebel Tisdafine dont l'autre extrémité est proche du Ras-Staf.
La jonction
A quelque temps de là, les forces de Marrakech et des confins réalisent leur jonction, le 11 février, le jour où les dernières s'emparent du Ferkla. Un détachement venant de l'Ouest, sous les ordres du colonel François, aide à encercler l'oasis, il reste ensuite quarante-huit heures à la disposition du général Giraud pour l'opération d'Ifegh.
La grande voie de communication Ouarzazate - Ksar Es-Souk se trouve désormais en entier sous notre contrôle, mais l'insécurité astreint à une sévère discipline de la circulation. Les attentats sont fréquents, en particulier contre les isolés. Environ 350 fusils Aït Moghrad et Aït Hadidou opèrent au Todgha, au milieu de mars; le 13, ils attaquent le ksar Aït-Izdeg. Les partisans repoussent les agresseurs en leur infligeant des pertes; ils ont eux-mêmes deux tués.Les unités stationnant dans la région montrent beaucoup d'activité. Les 7 et 8 avril, elles effectuent deux nouvelles liaisons avec les troupes des confins, en direction du djebel Tisdafine. Le 13, le commandant du territoire, le lieutenant-colonel Chardon, pousse sans incidents jusqu'au Tizi-n'Ifegh. Puis, le 18 mai, un groupe d'éléments légers atteint les Aït El Fersi, dans une vall��e tributaire du Todgha, sur la piste du Ferkla; la population affirme son loyalisme. Enfin, le 20 une reconnaissance circule dans la Haut-Todgha et arrive à Zaouia Sidi Abdellali; elle reçoit partout le meilleur accueil. Sur ces entrefaites, des Aït Ouallal, Aït Ourir, Ilemchane se présentent à la Kelaâ des Mgouna; ils manifestent l'intention de s'unir pour mettre obstacle au développement des influences hostiles au Tazzarine. D'autres Ilemchane font une démarche analogue à Zagora. Notre action pacificatrice obtient peu à peu des résultats intéressants.
Mais les rôdeurs poursuivent leurs exploits. Dans le courant de juin, la chasse aux bandits oblige à des mouvements incessants.
Le 8 septembre, un djich exécute une violente attaque contre la fezza de Tinghir; il est rejeté avec pertes. Nous avons deux goumiers tués et six blessés. Pourtant, la surveillance imposée aux forces irrégulières n'empêche pas celles-ci de prendre part aux opérations. Vers la fin de novembre, 250 partisans de Bou-Malem se rassemblent à Tagoudit n'Aït Bou Daoud, au sud de la piste conduisant à Imiter : leur mission est de couvrir le groupe mobile marchant sur le Tazzarine.
Un goum et 260 partisans de Tinghir occupent, dans le même but, une position à l'Est du Tizi-n'Boujou. En décembre, des dissidents s'établissent au col de Tinezrai, dans le djebel Hamdoun, à une dizaine de kilomètres au Nord de Tinghir; canonés par le poste, puis contre-attaqués au cours de l'après-midi, ils sont mis en déroute. Nous perdons 2 supplétifs tués et 3 blessés.
Hostilites
Par ailleurs, les nombreux irréductibles retirés au Saghro ne manquent aucune occasion de manifester leur hostilité; ils adressent des menaces de représailles aux notables, qui cherchent à composer avec nous. Leur action s'exerce principalement au Sud, vers le Tazzarine, et à l'Est, sur le front du Regg que surveille Alnif. Comme les incidents se multiplient, l'aviation bombarde à maintes reprises les campements rebelles; on resserre, en outre, le blocus économique et on arme les tribus sûres. Pour en finir, le Commandement décide, au mois de février 1933, de régler la question du Saghro avant les dernières opérations du Haut-Atlas. C'est a priori une grosse affaire car ce massif aride, difficile, est mal connu ; les pillards en ont fait leur réduit. Le groupement qui s'abrite dans le Saghro compte environ 800 familles, dont un millier de guerriers résolus, bien armés et pourvus de cartouches.
Les frères Hasso et Basso. Ou Basalem sont l'âme de la Résistance. La nature chaorique de la montagne est favorable à la défense ; aussi, juge-t-on préférable de confier l'attaque à de fortes harkas soutenues par des goums, au lieu d'y employer des réguliers. Pour l'opération, on constitue deux groupements. Celui de l'Ouest aux ordres du général Catroux, à la composition suivante : 4.400 partisans, 6 goums et la milice d'artillerie de Marrakech, qui sont répartis en quatre harkas. Trois de celles-ci, sous les capitaines Lacroix, Barrieux et Spillmann, se massent respectivement au Nord, au Nord-Ouest et au Sud-Ouest; la dernière, sous le capitaine Daumarie, qui dispose des canons, se tient en réserve vers lgoudmane. Le lieutenant-Colonel Chardon commande l'ensemble des harkas. Le groupement de l'Est, aux ordres du général Giraud, comprend une harka de 800 partisans et 1 goum, sous le capitaine Paulin; le groupe du lieutenant-colonel Tarrit, soit 1 goum, 300 partisans, 1 compagnie montée de légion, 1 compagnie de Sénégalais, la compagnie saharienne du Ziz, 1 escadron de spahis; le groupe du lieutenant-colonel Despas, fort de 900 partisans, 3 goums, 1 compagnie montée de légion, 1 escadron de spahis, 1 batterie de légion, 1 peloton d'auto-mitrailleuses.
Des dispositifs de barrage sont organisés au Sud, par le commandant Vincent, avec une demi-compagnie de légion, 1 escadron de spahis, 2 pelotons d'autos-mitrailleuses et des partisans. L'aviation met en ligne 4 escadrilles. Le général Huré, commandant supérieur des troupes, s'installe à Tinghir. Les harkas entament leur mouvement dans la nuit du 12 au 13 février. Au cours de la journée, il se produit quelques escarmouches. Un fort parti ennemi enlève des animaux à la compagnie de légion du groupe Despas ; 6 légionnaires sont tués.D'autre part, un avion tombe chez les dissidents; l'équipage, comprenant le lieutenant observateur de Saulieu de la Chaumonerie, disparaît. Pendant l'avance du 15, le capitaine Lacroix a un vif engagement vers Tizi-n'Oulili; les partisans n'ont pas une attitude très ferme et les goums, qui les appuient, perdent des tués. Les harkas convergent vers la cuvette d'Imsaden en bousculant les insoumis; ces derniers se replient au cœur du massif dans le djebel Bougafer. De rares familles demandent l'Aman. Les 16 et 17, l'étreinte se resserre progressivement autour des réfractaires, mais leur résistance rend la manœuvre délicate; les assaillants arrivent d'ailleurs devant les formidables escarpements du plateau des Aiguilles, la partie la plus tourmentée de la montagne. Les difficultés apparaissent si grandes que le général Huré décide de prendre le commandement effectif ; il forme deux sous-secteurs à l'Ouest et à l'Est, sous les généraux Catroux et Giraud.
Cela tourne à la guerre de tranchées; Hurée envisage de renforcer les supplétifs par des réguliers. A cette date, nous avons 11 réguliers et supplétits tués, 3 blessés, dont 1 officier.
Blocus
Durant la période du 18 au 28 février, on s'applique à rendre le blocus de plus en plus étroit; il en résulte l'obligation d'occuper certaines positions dominantes. Les avions exécutent des bombardements massifs sur les lignes ennemies. Le 20, les assiégeants prennent pied dans la zone sud-est du plateau des Aiguilles, puis, le lendemain, ils donnent un assaut général; malgré des efforts inouis, la journée se solde par des gains insignifiants. Le lieutenant-colonel Chardon est grièvement blessé. Comme la résistance de l'adversaire ne faiblit pas, les attaques du 22 n'ont également qu'un succès médiocre, néanmoins, l'encerclement est à peu près réalisé, le 23. Le jour suivant, les partisans du groupement ouest réussissent à atteindre le sommet du plateau; ils en sont rejetés et un nouvel assaut, lancé dans l'après-midi, échoue. Sur le front de combat, les nôtres sont tenus en arrêt. Au cours de la nuit, les dissidents essaient à leur tour de rompre le barrage à l'Ouest; cette tentative n'a pas de résultat. De leur côté, les forces françaises attaquent encore sans succès, durant la nuit du 21 au 25. Les assiégés sollicitent alors une trêve de vingt quatre heure, qui est accordée mais ils opposent ensuite un refus insolent à l'invitation de mettre bas les armes.
Une lutte acharnée
Cette lutte acharnée s'étermise, aussi le commandement prépare-t-il une attaque puissante, qu'il voudrait décisive. Celle-ci est déclenchée, le 28 février, à 7 heures, l'artillerie et l'avion battent violemment les objectifs. Mais, après une avance de quelques centaines de mètres, goumiers et partisans sont arrêtés par un feu très dense ; l'ennemi les repousse en leur infligeant les pertes énormes. A midi, le général Huré donne l'ordre de rompre le combat; il se borne, dorénavant, à établir un cercle infranchissable autour de Bougafer considéré comme inexpugnable. Du 18 au 28, nous avons eu 11 officiers tués, le 21, le lieutenant interprète Alessandri, de la compagnie saharienne, le 22, le lieutenant Landon, des affaires indigènes d'Algérie : le 24 le lieutenant Bureau, des spahis ; le 25, le lieutenant Timpagnon, des Sénégalais, le sous lieutenant Sieurac, des goums : le 28, les capitaines de Lespinasse de Bournazel, des affaires indigènes, Faucheux, de la légion, les lieutenants Le Chevalier, des Sénégalais, Poidevin, des traiteurs marocains, Binet, des affaires indigènes, Brincklé, de la légion.
Les auxiliaires sont tombés en grand nombre. Enfin, les pertes des réguliers s'élèvent à 51 tués, 2 disparus, et 83 blessés, dont 9 officiers.
Au début de mars, le blocus est organisé de façon rigoureuse. Tous les goums sont maintenus, ainsi que 1.800 partisans; les autres regagnent leurs villages. Plusieurs bataillons avec une forte artillerie entrent en ligne. Ce siège en règle gêne beaucoup les dissidents; leur ravitaillement devient impossible. Ils sollicitent donc une deuxième trêve, le 5, mais les pourparlers échouent.
Trois jours plus tard, le 8, on change le dispositif d'investissement ; les canons et les avions harcèlent l'adversaire sans trêve. Cela amène quelques soumissions isolées, en revanche, la masse s'obstine à tenir jusqu'à la dernière extrémité. Les assiégés font un ultime effort de nature dans la nuit du 17 au 18; le barrage ne cède pas. Devant l'inutilité de la résistance, Hasso se résigne enfin à offrir une capitulation, le 24; le lendemain, il se présente avec les autres guerriers aux trois généraux réunis et Huré reçoit leur soumission. A ce moment, le groupe compte encore 2.949 personnes, dont 465 combattants. Entre le 1er et le 25, nous avons 1 régulier tué et 4 blessés.
Néanmoins, l'insécurité ne disparaît pas avec la chute du bastion dissident du Saghro. Moins de deux mois après, le 9 mai, le lieutenant du génie Bonnin, employé sur les chantiers de la piste, tombe dans une ambuscade; il est tué avec un des spahis d'escorte.
Puis, durant plusieurs années, les attentats continuent dans la région. Il existe, en effet, deux bandes d'irréductibles, l'une des Aît Moghrad, l'autre des Aït Khebbach, qui attaquent les isolés, surtout entre le Dadès et le Gheris, notamment au voisinage de Tinghir.
A diverses reprises, des Européens tombent sous les coups des Aït Moghrad.
Le dernier incident grave a lieu le 30 décembre 1935; trois de ces bandis pénètrent dans Tinghir, à la tombée de la nuit, et massacrent à coup de fusil quatre légionnaires attablés dans un café.
La poursuite échoue; 1 partisan est tué. Les supplétifs de Tinghir prennent une revanche, le 5 mars 1936; ils encerclent à Tadafalt, vers Taria, le chef de bande avec trois acolytes. Au cours de la matinée, ces auxiliaires enlèvent le ksar à la grenade; ils exterminent les quatre Aït Moghrad, mais perdent 3 tués et 1 blessé.

Les années d'avant
1907 : Au lendemain de la Conférence d'Algésiras, tenue du 15 janvier au 15 avril 1906, le Maroc était victime de plusieurs incidents visant son indépendance et sa souveraineté. La France l'attaque à partir de la côte atlantique et à travers la frontière algérienne. Elle occupe Casablanca (où elle avait envoyé un corps de débarquement) ainsi qu'une zone frontalière aux confins de l'Algérie. Elle prend également le contrôle de la police à Agadir, Rabat, Essaouira et Safi.
1908-1913 : L'installation française s'affirme et s'élargit autour de bases implantées à l'Ouest et à l'Est.
Avant la signature, le 30 mars 1912, du traité du protectorat par le Sultan Moulay Hafid, les troupes françaises pénètrent à Fès le 21 juin 1911.
Le général Lyautey a été nommé commissaire-résident général de France au Maroc.
1914-1918 : Une des premières nécessités qui s'est imposée à la France a consisté à unir le Maroc Occidental au Maroc Oriental. Ce fut chose faite en mai 1914 par l'occupation de Taza. En 1917, la Moulouya a été reliée au Sud Atlas.
1919-1924 : La résistance nationale à l'envahisseur est divisée en front nord, face à la côte espagnole, front Taza-Moulouya-Oum Rebia-Moyen Atlas, front des grands caïds sur le versant sud du Grand Atlas et front sud dans la région du Tafilalet.
De 1919 à 1924, la répression française se concentre sur le front Taza-Moulouya et Oum Rebia-Moyen Atlas. En 1922, elle embrasse le Moyen Atlas. Une année plus tard, le Maroc occidental est mis en communication avec la vallée de la Moulouya.
1925-1930 : La guerre du Rif, conduite par Mohamed Ben Abdelkrim Khattabi, fut un morceau d'anthologie dédié à la bravoure. Elle ne prend fin que lorsque forces françaises et espagnoles s'allient dans un combat inégal contre cet homme dont le courage constituait la seule arme. En juillet 1926, les troupes coloniales françaises réduisent Taza et leur progression s'accentue sur le front sud où elles occupent une région montagneuse au sud de Marrakech avant d'aborder le Grand Atlas par l'Est, à savoir à travers la vallée de l'Oued Ziz.
1931-1932 : La campagne lance par les troupes coloniales est parfaitement féroce. Dans l'extrême sud, elle porte sur la ligne de Tata-Foum Zguid. Elle voit s'effectuer la liaison entre la région de Marrakech et celle de Bou Denib et l'occupation du Tafilalet. La dernière résistance dans le Haut Atlas est encerclée sur la face nord et sur le front sud-est. Les opérations prennent fin avec l'hiver 1932, fixant le front d'occupation de ce que Lyautey appelait le "Maroc utile".
Ne restaient plus que deux zones de résistance, l'une dans le Grand Atlas et l'autre dans la région de l'extrême sud au-delà de l'Anti-Atlas et du Djebel Saghro.
histoire des amazighs

On désigne sous le nom de"amazigh" les populations qui, sur un territoire s'étendant de la Méditerranée au sud du Niger et du Nil aux rivages de l'Atlantique, parlent ou ont parlé des dialectes se rattachant à une langue mère: le berbère. D'origine discutée, ce mot, déjà utilisé par les Grecs et les Romains, transmis par les Arabes, désignait pour ces derniers la population autochtone et non romanisée de l'Afrique du Nord. Consacrée par l'usage, cette appellation n'est pas celle que se donnent les intéressés. Les Berbères s'identifient eux-mêmes par le nom de leur groupe (Touareg, Kabyle) et utilisent parfois le mot Imazighen, qui signifie «hommes libres», pour désigner l'ensemble des Berbères. La politique d'arabisation menée par les gouvernements au lendemain de la décolonisation a suscité chez les Berbères le besoin de reconnaissance d'une identité culturelle. Traditionnellement agriculteurs ou pasteurs-nomades, ils ont cependant été touchés par l'exode rural et leur implantation en zone urbaine a très certainement accentué ce phénomène.
1- Histoire des Berbères
Abordée dans l'Antiquité, réduite puis gelée par de subtiles spéculations généalogiques à l'époque médiévale, reprise à l'époque coloniale, la question des origines des Berbères, cherchées tantôt dans les sources linguistiques, tantôt dans les rapports ethniques, reste mal résolue.
Les origines
Au VIIIe millénaire av. J.-C., un type d'homme anthropologiquement proche des habitants actuels du Maghreb fit son apparition. Probablement d'origine orientale, cet Homo sapiens sapiens, appelé «capsien» de Capsa, nom antique de Gafsa (Tunisie) , serait l'une des composantes de la souche berbère. Il se serait étendu d'abord aux parties orientale et centrale du Maghreb, puis en direction du Sahara. On lui connaît des équivalents dans certains pays méditerranéens (civilisation natoufienne).
Le Maghreb s'enrichit aussi d'autres apports; du nord, par l'est et par l'ouest, à travers les détroits de Messine et de Gibraltar, arrivèrent des populations européennes. Certaines nécropoles et tombes maghrébines témoignent de la présence dès le IIIe millénaire d'une population noire venue du sud, probablement à la suite de l'assèchement du Sahara. Au IIe millénaire, d'autres petits groupes continuèrent à affluer au Maghreb. C'est à ce fonds paléoberbère divers, mais à dominante capsienne (c'est-à-dire appartenant à la culture préhistorique de Capsa), que les spécialistes rattachent les Proto-Libyens, ancêtres des Berbères. Des données physiques mais aussi culturelles même emploi rituel de l'ocre rouge, même utilisation et décoration de l'uf d'autruche sont souvent invoquées pour appuyer la thèse de la parenté entre capsiens et Proto-Libyens.
Les sources
Les Proto-Berbères, installés à l'ouest du Nil, nous sont connus grâce aux inscriptions et aux documents égyptiens. Les Tehenou et les Temehou au IIIe millénaire, les Libou et les Maschwesch au IIe millénaire y sont souvent décrits comme des peuples belliqueux et puissants. Ces Proto-Berbères de l'Est parvinrent à se constituer en véritable puissance et réussirent, au début du Ier millénaire, à se rendre maîtres de l'Égypte.
Nous disposons dans l'art préhistorique d'une source relative à l'apparition des Proto-Berbères dans les massifs centraux sahariens, où des centaines de peintures rupestres ont été recensées. Les fresques du tassili des Ajjer, du IVe millénaire au milieu du IIe, figurent pour la première fois des Proto-Berbères. L'espace saharien, auparavant peuplé de Noirs, vit l'arrivée de populations blanches, probablement d'origine septentrionale, qui auraient progressé à partir du bas Sahara algérien et tunisien. Au Néolithique final et à l'époque protohistorique, la présence des Proto-Berbères dans le Sahara s'intensifia. Les fresques les représentent conduisant des chars tirés par des chevaux. L'introduction du cheval dans cette région probablement à partir de l'Égypte permit aux Proto-Berbères de dominer les pasteurs mélanodermes. Au Ve siècle av. J.-C., Hérodote signala l'importance des chars sahariens, en précisant que les Garamantes du Fezzan et du tassili des Ajjer s'en servaient encore pour chasser les populations noires. Cette occupation du Sahara se poursuivit au début de l'époque historique.
Du Ier millénaire à la reconquête byzantine
Au Ier millénaire av. J.-C., les Berbères se répartissaient en une multitude de peuples: Nasamons et Psylles en Tripolitaine et en Cyrénaïque, Garamantes au Sahara oriental, Numides au Maghreb oriental et central, Gétules nomadisant entre le désert et les hauts plateaux, Maures au Maghreb occidental. Divisés en de nombreuses tribus parfois rivales, éparpillés sur une vaste aire géographiquement morcelée, ils ne purent s'unifier face à leurs conquérants carthaginois, romains, vandales ou byzantins.
Les premiers royaumes berbères
Toutefois, à la fin du IIIe siècle av. J.-C., des tentatives d'organisation politique et d'unification virent le jour; trois royaumes firent ainsi leur apparition: les royaumes masaesyle, massyle et maure. Le premier, éphémère, ne survécut pas à son roi Syphax (avant 220-203); le second, au contraire, connut sous le règne de Masinissa (203-148) un grand essor. Après avoir absorbé son voisin et rival masaesyle, il s'étendit à toute la Numidie, l'unifia politiquement et parvint à englober, aux dépens de Carthage, d'autres territoires situés dans la région des Syrtes. Ce grand royaume se maintint sous le règne de Micipsa (148-118); mais Rome, installée depuis 146 sur les dépouilles de Carthage, ne pouvait longtemps s'accommoder de ce voisinage. Malgré la résistance militaire de Jugurtha (111-105), le royaume numide finit par tomber sous la dépendance de Rome. Le royaume maure connut le même sort: les Romains l'annexèrent en 40 apr. J.-C. Dès lors et jusqu'en 429, une grande partie de l'Afrique du Nord passa sous leur domination.
La domination romaine
La mainmise de Rome ne se traduisit pas par l'assimilation totale des Berbères. Les Musulames (Numides) sous Tibère, les Nasamons et les Garamantes sous Auguste et Domitien, les Maures sous les règnes d'Hadrien, d'Antonin, de Marc-Aurèle et de Commode, les Gétules plus tard s'insurgèrent de façon répétée, et parfois durable. Au IIIe siècle de nombreuses tribus fusionnèrent en confédérations et harcelèrent les Romains, au point que Dioclétien finit par renoncer à la Mauritanie Tingitane ainsi qu'à l'ouest de la Mauritanie Césarienne. Au IVe siècle le schisme donatiste donna aux Berbères un moyen de s'opposer à la domination romaine. Le soulèvement des circoncellions, la révolte de Firmus (372-375), celle de Gildon (398) ajoutèrent aux difficultés d'un pouvoir romain déjà affaibli.
Au milieu du Ve siècle, les Vandales s'emparèrent de Carthage et occupèrent une partie de l'Afrique romaine, la Tunisie et l'est de l'Algérie. L'Aurès, la Kabylie, la Mauritanie et la Tripolitaine ne tombèrent pas sous leur domination et des tribus berbères purent se constituer en royaumes indépendants. La reconquête byzantine, entreprise en 533, mit fin à la suprématie vandale et, en quelques mois, l'Afrique du Nord redevint romaine. Néanmoins, les Berbères continuèrent leur mouvement d'autonomie amorcé au siècle précédent.
De la conquête arabe (VIIe siècle) à l'Empire almohade (XIIe siècle)
Dans leur conquête de l'Afrique du Nord, les Arabes, qui triomphèrent des Byzantins, eurent à s'opposer au roi berbère Koçeila (683-686) et à la reine de l'Aurès, el-Kahéna, (695-700). Malgré cette résistance, les Berbères durent s'incliner et se convertir à la religion de leurs conquérants: l'islam. Ils y trouvèrent matière à une tout autre résistance. Par le biais du kharidjisme, ils entrèrent rapidement en révolte contre les Orientaux.
Le mouvement commença vers 740 à l'ouest puis s'étendit à tout le Maghreb. Son ampleur fut telle que les troupes arabes mirent plus de vingt ans à récupérer la seule Ifriqiya. Ailleurs, des États indépendants petit État des Barghawata sur le littoral atlantique (744 après 1050), royaumes de Tahert (761-908), de Sidjilmasa (772-997), de Nakkur dans le Rif (809-917), principauté sofrite de Tlemcen (765-avant 790?) échappèrent au contrôle du pouvoir central abbasside.
L'agitation reprit au Xe siècle au nom du chiisme, que les Berbères adoptèrent en réaction à l'orthodoxie sunnite de l'islam; l'Ifriqiya aghlabide (800-909), royaume rattaché nominalement aux Abbassides, tomba en 910 entre les mains des chiites fatimides aidés par les Berbères Ketama de Petite Kabylie.
L'introduction du chiisme ismaélien en Afrique du Nord eut pour conséquence l'affaiblissement du kharidjisme puis le retour en force du sunnisme. Après 950, le kharidjisme ne subsista que dans des zones refuges. Une autre conséquence du chiisme fut la division des Berbères en deux groupes rivaux: les Sanhadjas, qui avaient embrassé la cause fatimide, et les Zénètes, qui furent les alliés des Omeyyades d'Espagne. Cette rivalité s'exprima après le départ des Fatimides pour l'Égypte en 973, et, au début du XIe siècle, le Maghreb connut un état de fractionnement politique. Les royaumes berbères se multiplièrent: ziride (973-1060) et hammadide (1015-1163) fondés par les Sanhadjas; ceux de Tlemcen, de Sidjilmasa et de Fès contrôlés par les Zénètes. Au Xe siècle, des invasions de nomades arabes de la tribu des Hilaliens contribuèrent à maintenir ce fractionnement politique jusqu'au moment où, dans l'ouest du Maghreb, un mouvement berbère cohérent se constitua: le mouvement almoravide. Partis du Sahara, les Lamtouna entreprirent une conquête progressive de la partie occidentale du Maghreb. Sous la conduite de leur chef, Youssef ben Tachfin, ils étendirent leur empire, à l'est, jusqu'au massif de la Grande Kabylie (1082-1083). Moins de dix ans après, les Berbères almoravides devinrent maîtres de toute l'Espagne musulmane. L'hégémonie de la dynastie almoravide persista jusqu'en 1147.
Un mouvement religieux, apparu en réaction contre les murs des Almoravides jugées trop tolérantes, fut à l'origine de la dynastie almohade. Des tribus du Haut Atlas marocain, sous l'impulsion de Mohammad ibn Toumart, réussirent à unifier tout l'Islam occidental, de la Tripolitaine à l'Espagne. L'Empire almohade connut son apogée à la fin du XIIe siècle.
Du XIIIe siècle à nos jours
À partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, le Maghreb retrouva un état de division: Abdelwadides à Tlemcen, Mérénides à Fès, Hafsides à Tunis se partagèrent la Berbérie. Ni ces dynasties ni les suivantes ne parvinrent à redonner au Maghreb une quelconque unité. Minés de l'intérieur par le retour des grandes confédérations tribales, menacés de l'extérieur par les chrétiens, les États maghrébins de l'Est et du Centre finirent par tomber sous une longue dépendance turque. L'Ouest, gouverné par les Saadiens (1549-1659) puis par les Alaouites, ne connut pas plus de stabilité.
Aux XIXe et XXe siècles, tout le Maghreb passa, pour plusieurs décennies, sous la domination française. Depuis l'instauration de l'indépendance des pays de l'Afrique du Nord et de l'Afrique noire, les populations berbères connaissent souvent une situation difficile, tant politique que culturelle, ainsi les Kabyles en Algérie ou les Touareg en Algérie et au Niger.
2- Organisation politique des Berbères
Les Berbères connurent plusieurs formes d'organisation politique. Le modèle le plus répandu et le plus caractéristique semble avoir été une sorte de petite république villageoise: une assemblée populaire, la djemaa, au sein de laquelle seuls les anciens et les chefs de famille prennent la parole.
Par ailleurs, nous connaissons deux modèles d'organisation politique citadine. Le premier et le plus ancien fut de type municipal; la cité numide de Thugga (Dougga, en Tunisie) connut au IIe siècle av. J.-C. un gouvernement municipal réunissant, autour d'un aguellid (magistrat suprême) nommé chaque année, un conseil de citoyens et de magistrats. Le second, beaucoup plus récent, et de type théocratique: chez les Mzabites, qui en fournissent le modèle, l'essentiel du pouvoir est tenu par une assemblée composée de azzaba et de tolba (hommes de religion) et secondée par un conseil des anciens.
Ces unités politiques village ou cité n'étaient pas toutefois le fondement du pouvoir; celui-ci était accaparé par des entités plus importantes, tribus et confédérations. L'histoire politique des Berbères est jalonnée par de grands regroupements qui comme chez les Numides et les Maures dans l'Antiquité débouchèrent parfois sur des embryons d'États. L'exemple le plus original et le mieux connu d'une organisation politique berbère de type confédéral est celui des Aït Atta, dans le sud-est du Maroc. Cinq segments, ou khoms, constituaient la confédération; celle-ci avait à sa tête un chef suprême élu chaque année dans un segment différent par des électeurs des quatre autres segments. Chaque tribu conservait cependant son autonomie et élisait son propre chef. Ce système d'organisation segmentaire et quinaire, que les Romains nommaient quinquegentiani, dut être dans l'Antiquité celui des Berbères.
L'exemple touareg
À ce modèle d'organisation politique, qui peut être qualifié de démocratique, s'oppose celui, aristocratique, des Touareg. La société des Touareg du Hoggar était, jusqu'à ces dernières années, hiérarchisée en classes distinctes: les imohar, nobles guerriers parmi lesquels était obligatoirement choisi l'aménokal, le chef suprême; les imrad, tributaires des nobles, qui constituaient de nombreuses tribus d'éleveurs, placées chacune sous l'autorité d'un amghar.
Cependant, l'absence d'assise territoriale et de certaines règles politiques élémentaires, notamment celles relatives à la transmission du pouvoir, contribua pour une large part au caractère éphémère des États berbères. Les royaumes ou ce qui fut qualifié de tel par les auteurs de l'Antiquité n'étaient souvent que des agrégats de tribus, voire des chefferies
3- Organisation sociale des Berbères
L'organisation sociale berbère est de type segmentaire et hiérarchisé. La famille constitue la plus petite unité sociale; au-dessus se trouve le lignage, groupement de plusieurs foyers liés par une ascendance commune et établis en village, ou en douar pour les nomades. Viennent ensuite la fraction (ensemble de clans et de villages), puis la tribu (groupement de fractions), enfin la confédération (alliance occasionnelle de tribus). À l'intérieur de tous ces segments, les liens du sang réels au niveau des petites unités, fictifs dans les grandes constituent le fondement de la cohésion sociale et entretiennent chez les membres du groupe un fort esprit de solidarité (corvées collectives, usage de greniers collectifs, etc.). La vie sociale est régie par un droit coutumier qui veille à la défense du groupe.
1- Histoire des Berbères
Abordée dans l'Antiquité, réduite puis gelée par de subtiles spéculations généalogiques à l'époque médiévale, reprise à l'époque coloniale, la question des origines des Berbères, cherchées tantôt dans les sources linguistiques, tantôt dans les rapports ethniques, reste mal résolue.
Les origines
Au VIIIe millénaire av. J.-C., un type d'homme anthropologiquement proche des habitants actuels du Maghreb fit son apparition. Probablement d'origine orientale, cet Homo sapiens sapiens, appelé «capsien» de Capsa, nom antique de Gafsa (Tunisie) , serait l'une des composantes de la souche berbère. Il se serait étendu d'abord aux parties orientale et centrale du Maghreb, puis en direction du Sahara. On lui connaît des équivalents dans certains pays méditerranéens (civilisation natoufienne).
Le Maghreb s'enrichit aussi d'autres apports; du nord, par l'est et par l'ouest, à travers les détroits de Messine et de Gibraltar, arrivèrent des populations européennes. Certaines nécropoles et tombes maghrébines témoignent de la présence dès le IIIe millénaire d'une population noire venue du sud, probablement à la suite de l'assèchement du Sahara. Au IIe millénaire, d'autres petits groupes continuèrent à affluer au Maghreb. C'est à ce fonds paléoberbère divers, mais à dominante capsienne (c'est-à-dire appartenant à la culture préhistorique de Capsa), que les spécialistes rattachent les Proto-Libyens, ancêtres des Berbères. Des données physiques mais aussi culturelles même emploi rituel de l'ocre rouge, même utilisation et décoration de l'uf d'autruche sont souvent invoquées pour appuyer la thèse de la parenté entre capsiens et Proto-Libyens.
Les sources
Les Proto-Berbères, installés à l'ouest du Nil, nous sont connus grâce aux inscriptions et aux documents égyptiens. Les Tehenou et les Temehou au IIIe millénaire, les Libou et les Maschwesch au IIe millénaire y sont souvent décrits comme des peuples belliqueux et puissants. Ces Proto-Berbères de l'Est parvinrent à se constituer en véritable puissance et réussirent, au début du Ier millénaire, à se rendre maîtres de l'Égypte.
Nous disposons dans l'art préhistorique d'une source relative à l'apparition des Proto-Berbères dans les massifs centraux sahariens, où des centaines de peintures rupestres ont été recensées. Les fresques du tassili des Ajjer, du IVe millénaire au milieu du IIe, figurent pour la première fois des Proto-Berbères. L'espace saharien, auparavant peuplé de Noirs, vit l'arrivée de populations blanches, probablement d'origine septentrionale, qui auraient progressé à partir du bas Sahara algérien et tunisien. Au Néolithique final et à l'époque protohistorique, la présence des Proto-Berbères dans le Sahara s'intensifia. Les fresques les représentent conduisant des chars tirés par des chevaux. L'introduction du cheval dans cette région probablement à partir de l'Égypte permit aux Proto-Berbères de dominer les pasteurs mélanodermes. Au Ve siècle av. J.-C., Hérodote signala l'importance des chars sahariens, en précisant que les Garamantes du Fezzan et du tassili des Ajjer s'en servaient encore pour chasser les populations noires. Cette occupation du Sahara se poursuivit au début de l'époque historique.
Du Ier millénaire à la reconquête byzantine
Au Ier millénaire av. J.-C., les Berbères se répartissaient en une multitude de peuples: Nasamons et Psylles en Tripolitaine et en Cyrénaïque, Garamantes au Sahara oriental, Numides au Maghreb oriental et central, Gétules nomadisant entre le désert et les hauts plateaux, Maures au Maghreb occidental. Divisés en de nombreuses tribus parfois rivales, éparpillés sur une vaste aire géographiquement morcelée, ils ne purent s'unifier face à leurs conquérants carthaginois, romains, vandales ou byzantins.
Les premiers royaumes berbères
Toutefois, à la fin du IIIe siècle av. J.-C., des tentatives d'organisation politique et d'unification virent le jour; trois royaumes firent ainsi leur apparition: les royaumes masaesyle, massyle et maure. Le premier, éphémère, ne survécut pas à son roi Syphax (avant 220-203); le second, au contraire, connut sous le règne de Masinissa (203-148) un grand essor. Après avoir absorbé son voisin et rival masaesyle, il s'étendit à toute la Numidie, l'unifia politiquement et parvint à englober, aux dépens de Carthage, d'autres territoires situés dans la région des Syrtes. Ce grand royaume se maintint sous le règne de Micipsa (148-118); mais Rome, installée depuis 146 sur les dépouilles de Carthage, ne pouvait longtemps s'accommoder de ce voisinage. Malgré la résistance militaire de Jugurtha (111-105), le royaume numide finit par tomber sous la dépendance de Rome. Le royaume maure connut le même sort: les Romains l'annexèrent en 40 apr. J.-C. Dès lors et jusqu'en 429, une grande partie de l'Afrique du Nord passa sous leur domination.
La domination romaine
La mainmise de Rome ne se traduisit pas par l'assimilation totale des Berbères. Les Musulames (Numides) sous Tibère, les Nasamons et les Garamantes sous Auguste et Domitien, les Maures sous les règnes d'Hadrien, d'Antonin, de Marc-Aurèle et de Commode, les Gétules plus tard s'insurgèrent de façon répétée, et parfois durable. Au IIIe siècle de nombreuses tribus fusionnèrent en confédérations et harcelèrent les Romains, au point que Dioclétien finit par renoncer à la Mauritanie Tingitane ainsi qu'à l'ouest de la Mauritanie Césarienne. Au IVe siècle le schisme donatiste donna aux Berbères un moyen de s'opposer à la domination romaine. Le soulèvement des circoncellions, la révolte de Firmus (372-375), celle de Gildon (398) ajoutèrent aux difficultés d'un pouvoir romain déjà affaibli.
Au milieu du Ve siècle, les Vandales s'emparèrent de Carthage et occupèrent une partie de l'Afrique romaine, la Tunisie et l'est de l'Algérie. L'Aurès, la Kabylie, la Mauritanie et la Tripolitaine ne tombèrent pas sous leur domination et des tribus berbères purent se constituer en royaumes indépendants. La reconquête byzantine, entreprise en 533, mit fin à la suprématie vandale et, en quelques mois, l'Afrique du Nord redevint romaine. Néanmoins, les Berbères continuèrent leur mouvement d'autonomie amorcé au siècle précédent.
De la conquête arabe (VIIe siècle) à l'Empire almohade (XIIe siècle)
Dans leur conquête de l'Afrique du Nord, les Arabes, qui triomphèrent des Byzantins, eurent à s'opposer au roi berbère Koçeila (683-686) et à la reine de l'Aurès, el-Kahéna, (695-700). Malgré cette résistance, les Berbères durent s'incliner et se convertir à la religion de leurs conquérants: l'islam. Ils y trouvèrent matière à une tout autre résistance. Par le biais du kharidjisme, ils entrèrent rapidement en révolte contre les Orientaux.
Le mouvement commença vers 740 à l'ouest puis s'étendit à tout le Maghreb. Son ampleur fut telle que les troupes arabes mirent plus de vingt ans à récupérer la seule Ifriqiya. Ailleurs, des États indépendants petit État des Barghawata sur le littoral atlantique (744 après 1050), royaumes de Tahert (761-908), de Sidjilmasa (772-997), de Nakkur dans le Rif (809-917), principauté sofrite de Tlemcen (765-avant 790?) échappèrent au contrôle du pouvoir central abbasside.
L'agitation reprit au Xe siècle au nom du chiisme, que les Berbères adoptèrent en réaction à l'orthodoxie sunnite de l'islam; l'Ifriqiya aghlabide (800-909), royaume rattaché nominalement aux Abbassides, tomba en 910 entre les mains des chiites fatimides aidés par les Berbères Ketama de Petite Kabylie.
L'introduction du chiisme ismaélien en Afrique du Nord eut pour conséquence l'affaiblissement du kharidjisme puis le retour en force du sunnisme. Après 950, le kharidjisme ne subsista que dans des zones refuges. Une autre conséquence du chiisme fut la division des Berbères en deux groupes rivaux: les Sanhadjas, qui avaient embrassé la cause fatimide, et les Zénètes, qui furent les alliés des Omeyyades d'Espagne. Cette rivalité s'exprima après le départ des Fatimides pour l'Égypte en 973, et, au début du XIe siècle, le Maghreb connut un état de fractionnement politique. Les royaumes berbères se multiplièrent: ziride (973-1060) et hammadide (1015-1163) fondés par les Sanhadjas; ceux de Tlemcen, de Sidjilmasa et de Fès contrôlés par les Zénètes. Au Xe siècle, des invasions de nomades arabes de la tribu des Hilaliens contribuèrent à maintenir ce fractionnement politique jusqu'au moment où, dans l'ouest du Maghreb, un mouvement berbère cohérent se constitua: le mouvement almoravide. Partis du Sahara, les Lamtouna entreprirent une conquête progressive de la partie occidentale du Maghreb. Sous la conduite de leur chef, Youssef ben Tachfin, ils étendirent leur empire, à l'est, jusqu'au massif de la Grande Kabylie (1082-1083). Moins de dix ans après, les Berbères almoravides devinrent maîtres de toute l'Espagne musulmane. L'hégémonie de la dynastie almoravide persista jusqu'en 1147.
Un mouvement religieux, apparu en réaction contre les murs des Almoravides jugées trop tolérantes, fut à l'origine de la dynastie almohade. Des tribus du Haut Atlas marocain, sous l'impulsion de Mohammad ibn Toumart, réussirent à unifier tout l'Islam occidental, de la Tripolitaine à l'Espagne. L'Empire almohade connut son apogée à la fin du XIIe siècle.
Du XIIIe siècle à nos jours
À partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, le Maghreb retrouva un état de division: Abdelwadides à Tlemcen, Mérénides à Fès, Hafsides à Tunis se partagèrent la Berbérie. Ni ces dynasties ni les suivantes ne parvinrent à redonner au Maghreb une quelconque unité. Minés de l'intérieur par le retour des grandes confédérations tribales, menacés de l'extérieur par les chrétiens, les États maghrébins de l'Est et du Centre finirent par tomber sous une longue dépendance turque. L'Ouest, gouverné par les Saadiens (1549-1659) puis par les Alaouites, ne connut pas plus de stabilité.
Aux XIXe et XXe siècles, tout le Maghreb passa, pour plusieurs décennies, sous la domination française. Depuis l'instauration de l'indépendance des pays de l'Afrique du Nord et de l'Afrique noire, les populations berbères connaissent souvent une situation difficile, tant politique que culturelle, ainsi les Kabyles en Algérie ou les Touareg en Algérie et au Niger.
2- Organisation politique des Berbères
Les Berbères connurent plusieurs formes d'organisation politique. Le modèle le plus répandu et le plus caractéristique semble avoir été une sorte de petite république villageoise: une assemblée populaire, la djemaa, au sein de laquelle seuls les anciens et les chefs de famille prennent la parole.
Par ailleurs, nous connaissons deux modèles d'organisation politique citadine. Le premier et le plus ancien fut de type municipal; la cité numide de Thugga (Dougga, en Tunisie) connut au IIe siècle av. J.-C. un gouvernement municipal réunissant, autour d'un aguellid (magistrat suprême) nommé chaque année, un conseil de citoyens et de magistrats. Le second, beaucoup plus récent, et de type théocratique: chez les Mzabites, qui en fournissent le modèle, l'essentiel du pouvoir est tenu par une assemblée composée de azzaba et de tolba (hommes de religion) et secondée par un conseil des anciens.
Ces unités politiques village ou cité n'étaient pas toutefois le fondement du pouvoir; celui-ci était accaparé par des entités plus importantes, tribus et confédérations. L'histoire politique des Berbères est jalonnée par de grands regroupements qui comme chez les Numides et les Maures dans l'Antiquité débouchèrent parfois sur des embryons d'États. L'exemple le plus original et le mieux connu d'une organisation politique berbère de type confédéral est celui des Aït Atta, dans le sud-est du Maroc. Cinq segments, ou khoms, constituaient la confédération; celle-ci avait à sa tête un chef suprême élu chaque année dans un segment différent par des électeurs des quatre autres segments. Chaque tribu conservait cependant son autonomie et élisait son propre chef. Ce système d'organisation segmentaire et quinaire, que les Romains nommaient quinquegentiani, dut être dans l'Antiquité celui des Berbères.
L'exemple touareg
À ce modèle d'organisation politique, qui peut être qualifié de démocratique, s'oppose celui, aristocratique, des Touareg. La société des Touareg du Hoggar était, jusqu'à ces dernières années, hiérarchisée en classes distinctes: les imohar, nobles guerriers parmi lesquels était obligatoirement choisi l'aménokal, le chef suprême; les imrad, tributaires des nobles, qui constituaient de nombreuses tribus d'éleveurs, placées chacune sous l'autorité d'un amghar.
Cependant, l'absence d'assise territoriale et de certaines règles politiques élémentaires, notamment celles relatives à la transmission du pouvoir, contribua pour une large part au caractère éphémère des États berbères. Les royaumes ou ce qui fut qualifié de tel par les auteurs de l'Antiquité n'étaient souvent que des agrégats de tribus, voire des chefferies
3- Organisation sociale des Berbères
L'organisation sociale berbère est de type segmentaire et hiérarchisé. La famille constitue la plus petite unité sociale; au-dessus se trouve le lignage, groupement de plusieurs foyers liés par une ascendance commune et établis en village, ou en douar pour les nomades. Viennent ensuite la fraction (ensemble de clans et de villages), puis la tribu (groupement de fractions), enfin la confédération (alliance occasionnelle de tribus). À l'intérieur de tous ces segments, les liens du sang réels au niveau des petites unités, fictifs dans les grandes constituent le fondement de la cohésion sociale et entretiennent chez les membres du groupe un fort esprit de solidarité (corvées collectives, usage de greniers collectifs, etc.). La vie sociale est régie par un droit coutumier qui veille à la défense du groupe.

4- Religion
En l'absence de documents écrits, il est difficile d'appréhender les idées religieuses des Berbères de la haute Antiquité. Seules les découvertes de l'archéologie position des corps, objets d'offrande, animaux de sacrifices révèlent l'existence de rites funéraires à cette époque. Puis, par contact avec d'autres peuples et civilisations, vinrent s'ajouter aux cultes autochtones parfois en s'y superposant ceux de nombreuses divinités. De ces apports étrangers, le phénicien fut le plus durable. Longtemps après la disparition de Carthage, des Berbères continuèrent à adorer sous les noms de Saturne et de Junon Caelestis les divinités phéniciennes Baal Hammon et Tanit.
Sans être mineur, l'apport romain fut sporadique, et se heurta à la résistance culturelle berbère. Tout autre fut l'influence du christianisme. La position de Carthage au carrefour de l'Orient et de l'Occident, l'omnipotence à l'époque romaine du dieu africain Saturne, l'existence précoce en Proconsulaire (Tunisie) et en Numidie (Algérie) de communautés juives prosélytes préparèrent le terrain et frayèrent la voie au monothéisme chrétien.
Le christianisme
Le christianisme se développa en Afrique plus tôt que dans les autres provinces occidentales de l'Empire romain. Dès la fin du IIe siècle, il compta de très nombreux adeptes. Un concile tenu à Carthage en 220 réunit 71 évêques; un autre, vingt ans plus tard, en groupa 90. Ce succès alla croissant malgré les persécutions répétées du pouvoir impérial; celle de Dioclétien, en 303-304, fut terrible, et beaucoup de chrétiens africains apostasièrent sous la contrainte. C'est à cette époque que naquit sous l'impulsion de Donat, évêque de Numidie, un mouvement que les historiens ont appelé «donatisme»; celui-ci revendiquait la pureté de l'Église et dénonçait les reniements de certains prêtres. Purement théologique initialement, ce mouvement évolua vers une opposition à la domination romaine.
Cependant, l'évangélisation se poursuivit, dépassant parfois les limites géographiques de l'Empire romain. Toutefois, malgré des conversions tardives comme celle des Garamantes, au sud de l'Atlas, vers 568-569 , le christianisme resta une religion principalement urbaine.
L'islam
La conversion des Berbères à l'islam fut massive. Implantée d'abord dans les cités, la nouvelle religion gagna progressivement les campagnes, les plateaux et le Sahara méridional. En se convertissant à l'islam, les Berbères ne renoncèrent pas à leur esprit d'indépendance. C'est sur le terrain même de la religion qu'ils exprimèrent leur opposition aux Orientaux. Des deux grands courants dissidents nés des discussions à propos de la succession du Prophète, le chiisme et le kharidjisme, c'est ce dernier qui eut auprès des Berbères un grand retentissement. Austère et égalitaire, le kharidjisme ne manqua pas de les séduire. À bien des égards, et bien que né hors d'Afrique, le kharidjisme rappelle dans l'histoire de l'islam maghrébin le donatisme berbère de l'époque chrétienne. Par opposition, les kharidjites berbères, après des révoltes sanglantes, formèrent des royaumes indépendants tels ceux de Tahert et de Sidjilmasa.
Au Xe siècle, les Ketama de Petite Kabylie constituèrent au profit du mahdi Obeid Allah un grand empire chiite (fatimide). L'orthodoxie (le sunnisme) ne triompha qu'à partir du XIe siècle; son succès fut l'uvre d'autres Berbères: les Sahariens nomades Lamtouna d'abord, les montagnards Masmouda ensuite l'imposèrent définitivement. Avec l'avènement au XIIe siècle de l'Empire almohade, la dissidence religieuse ouverte fut bannie du Maghreb. Seul le kharidjisme, dans sa tendance ibadite, survécut au mouvement réformateur almohade. Du djebel Nefousa, en Libye, au Mzab, en Algérie, et à l'île de Djerba, en Tunisie, des communautés ibadites se sont maintenues jusqu'à nos jours.
5- Langue
La langue berbère constitue aujourd'hui un ensemble de parlers locaux éparpillés sur un vaste territoire. En dehors de certaines zones à forte unité géographique telles que les Kabylies en Algérie ou le pays chleuh au Maroc , ces parlers ne permettent que rarement l'intercompréhension des différents peuples. L'arabe comme hier le latin ou le punique permet la communication d'un groupe à l'autre. Cette situation linguistique n'est pas originelle; malgré leur diversité, ces parlers berbères ont des structures syntaxiques communes.
On suppose qu'une langue berbère homogène a existé avant d'éclater en 4 000 à 5 000 idiomes. L'histoire de la langue berbère reste cependant de reconstruction difficile. Le linguiste dispose de quelques fragments de textes en berbère, des ethniques, des toponymes et anthroponymes conservés par les sources arabes médiévales. C'est peu pour restituer l'évolution d'une langue. Le libyque, dans lequel sont rédigées plus de 1 200 inscriptions d'époque antique, est tenu pour une forme ancienne du berbère, sans que des preuves scientifiques aient été fournies.
L'alphabet libyque connu d'après certaines inscriptions s'apparente à celui du touareg actuel, le tifinagh, et les données de l'anthroponymie et de la toponymie militent en faveur de la parenté et de la continuité entre le libyque et le berbère.
Pour mieux connaître la langue berbère et pallier le manque de documentation historique, les spécialistes ont aussi recouru au comparatisme. On a cherché très tôt à apparenter le berbère à d'autres idiomes. Ainsi le guanche, langue parlée jusqu'au XVIIe siècle aux îles Canaries, lui fut-il rattaché. Le berbère fut également rapproché du haoussa et du basque. Ces démarches se sont révélées infructueuses. En fait, la théorie qui place le berbère dans un grand ensemble linguistique à côté de l'égyptien ancien, du couchitique et du sémitique emporte actuellement l'adhésion de la plupart des linguistes.
6- Littérature
Dès le VIe siècle av. J.-C., le berbère fit l'objet d'une écriture: le libyque. De très nombreuses inscriptions attestent l'utilisation par les Berbères, dès l'Antiquité, d'un alphabet consonantique proche de celui utilisé de nos jours chez les Touareg. L'écriture libyque devint usuelle surtout dans les zones sous forte influence punique Tunisie septentrionale, Nord constantinois et Maroc du Nord , malgré une certaine évolution; cependant, elle ne put se généraliser et disparut à l'époque romaine.
Les Berbères utilisèrent assez tôt les langues étrangères. C'est en latin qu'écrivirent des auteurs africains aussi illustres qu'Apulée, Tertullien, saint Cyprien ou saint Augustin. Le latin, langue de l'administration dans les provinces romaines d'Afrique, devint aussi, avec le christianisme, langue de religion. L'islamisation entraîna par la suite l'arabisation linguistique des Berbères.
Toutefois, à l'époque islamique, il y eut encore une littérature berbère écrite; peu fournie, et essentiellement de nature religieuse, elle consista en quelques textes et ouvrages transcrits en caractères arabes avec des signes additionnels. À côté de traités ou de commentaires de religion, souvent attribués aux ibadites ou aux Almohades, il faut mentionner deux Coran rédigés en berbère et attribués l'un à Salah ben Tarif (VIIIe siècle), l'autre à Hamim des Ghomara du Maroc septentrional (Xe siècle). Les archives, rares et récentes, consistent pour l'essentiel en textes juridiques. Le droit berbère de tradition coutumière fut consigné par écrit à des époques différentes. Ainsi des règlements de nature pénale furent rassemblés en recueils. Certains de ces documents, originaires du pays chleuh, dateraient du XIVe siècle apr. J.-C., d'autres furent rédigés à des époques plus tardives. Le corpus des recueils de droit coutumier berbère s'est enrichi récemment de nouveaux documents marocains publiés dans leur langue originale.
Autrement importante fut et demeure la littérature orale berbère. Des contes et des légendes fidèlement conservés par la mémoire féminine constituent une bonne partie de la tradition orale. La poésie est également riche et ne manque pas d'originalité. Les Berbères eurent de grands poètes dont certains tel le Kabyle Mohand (vers 1845-1906) ou la targuia Daçin furent de véritables aèdes. D'autres, itinérants et professionnels, tels les amedyaz du Haut Atlas au Maroc ou les ameddahs de Kabylie, surent longtemps entretenir la mémoire collective berbère.
Moussem des fiançailles d'Imilchil
LE TEMPLE DE L'AMOUR
LE TEMPLE DE L'AMOUR
Le moussem d'Imilchil a acquis une renommée internationale qui en fait aujourd'hui un lieu de pèlerinage touristique. Faisant le tour du monde, la très romantique légende d'Isli et Tislit est devenue un mythe.
À la fin de chaque été, depuis la nuit des temps semble-t-il, une vallée perdue du Moyen-Atlas à 2 000 mètres d'altitude connaît une curieuse animation. Curieuse, car au-delà des échanges commerciaux, les femmes choisissent parmi les célibataires ceux qui deviendront leurs maris pour une année (si mésentente conjugale il y a) ou pour toute la vie. Ainsi, dans le petit village d'Aït Ameur, à une vingtaine de kilomètres d'Imilchil, le désormais mondialement célèbre moussem des fiancés est l'occasion pour toutes les tribus berbères de se retrouver avant la période des neiges qui les coupera du reste du monde, des mois durant.Le moussem a été célébré, cette année, le 18, 19 et 20 septembre derniers.Un espace-temps qui se fige, à jamais, dans la mémoire palimpseste de ceux qui y sont présents.
Gloire
Le moussem d'Imilchil est né d'une légende qui, au fil des ans, s'est transformée en mythe. Il se tient chaque fin septembre, sur les hauteurs du Grand Atlas. Les journalistes du monde entier et les télévisions ont fabulé sur ces rencontres annuelles. Avant les hivers rudes, les tribus des Aït Hdidou, Aït Morghad, Aït Atta et d'autres se rencontrent pour les échanges commerciaux, le pèlerinage pour le saint patron du moussem, Sidi Ahmed Oulghani et la fête des mariages collectifs. Le plus beau dans ce moussem est la fameuse légende d'Isli et Tislit, le marié et la mariée, qui ont donné leurs noms légendaires à deux lacs. Isli, profond de 37 m, se situe à environ 6 km d'Imilchil et à12 km du lac Tislit qui, lui, est beaucoup plus profond (86 m). Ces deux lacs bercés par les hauteurs imposantes de l'Atlas, ont été aménagés en sites touristiques très prisés par les amateurs de la nature. Une légende, ressemblant à celles d'Alice et Galatée, Roméo et Juliette, Tristan et Yseut et de Kaïss et Leïla qui se transmet de génération en génération. Elle évoque les guerres fratricides entre Aït Yafelman et Aït Atta. En ce temps-là, un Aït Izza tomba follement amoureux d'une Aït Brahim. Les familles et les villages, dans leur ensemble, s'opposèrent à leur union. Ils pleurèrent tellement que de leurs larmes se sont constitués deux ruisseaux liant et alimentant deux lacs des hautes vallées: ceux qui bénéficieront des noms des deux fiancés. Le couple marcha longtemps avant de mourir, enlacé, de faim, de soif, de froid et d'amertume. Une autre version de la légende raconte que le saint patron du moussem, Sidi Ahmed Oulghani, les accueillit bénissant leur union.
Affluence
Au-delà de son aspect festif, ce moussem est également une manifestation commerciale, touristique et culturelle d'une grande importance dont les échos dépassent les cimes de l'atlas après chaque saison de récoltes, lorsque les épis sont glanés et le produit vendu. L'aspect commercial du moussem est une grande réussite grâce à l'affluence particulière des populations de la région pour qui la fête des fiançailles est surtout l'occasion tant attendue pour s'approvisionner et vendre leurs produits agricoles.. L'ambiance de la foire y préside : de vieilles femmes proposent aux passants couvertures, tapis ou burnous faits main. Un estropié quémande une aumône au milieu de la foule bruyante. Des hommes discutent âprement. Sous une grande tente de nomades transformée en café, quelques bergers et fellahs mangent des brochettes et boivent un thé à la menthe. Enfin, la commémoration par les tribus Ait H'didou du moussem de Sidi H'mad confère a cette fête un aspect religieux. Toutefois, les noces collectives célébrées par les deux grandes branches de ces tribus, les Aït Izza et les Aït Brahim, constituent l'aspect le plus marquant de la fête. Le moussem, qui souffre encore d'une carence en équipements et en structures d'accueil, est avant tout un espace de rencontre et de réconciliation entre les tribus de la région.T.C.
Imilchil, un autre Maroc
Repu, le voyageur se met à compter la distance qui le sépare de son lieu de destination. Arrivé à Rich, il croit entrevoir le bout du tunnel. Plus que 135 km. Une broutille... Erreur ! c’est à partir de là que les choses se compliquent. L’ancienne piste, bitumée en 1998 seulement, est escarpée, sinueuse, difficulteuse, et surtout affreusement étroite. Deux véhicules ne peuvent pas s’y croiser. L’autocar dans lequel nous nous trouvons avance comme une tortue. Dès qu’il pointe son immense carcasse, les muletiers se rangent prudemment sur le bas-côté, les poules poussent des cris d’orfraie, les moutons sont pris de panique.
Rich-imilchil : 135 km, six heures de route par temps orageux
Le paysage s’habille d’ocre. Il consiste en une ligne de montagnes dénudées qui laissent s’épancher à leurs pieds une plaine ondulante de rocailles. Dans ce désert de pierres et de terre, pousse, par endroits, une mince couverture végétale, prise d’assaut par les troupeaux de moutons. On recense 140 000 ovins dans la région. Ils en constituent la principale ressource mais y provoquent aussi de considérables dégâts. Car le surpâturage, ainsi que nous l’explique Hrou Aboucharif, directeur de l’association Adrar, «finit par détruire le couvert végétal, lequel représente le seul moyen de lutte contre l’érosion hydrique». D’où les inondations qui accompagnent comme une mauvaise ombre la moindre averse.
Aux abords de la vallée de l’Assif Melloul, le paysage change. Au milieu des montagnes aux sillons profonds creusés par le vent, l’oued essaime sur son passage les jardins, les cultures, les arbres. Une longue écharpe de verdure s’étend à perte de vue. Un vert d’une vigueur et d’une tendresse indescriptibles éclate, exhalé par le maïs, la luzerne, les pommiers et les noyers. Le cagnard n’est plus qu’un radieux souvenir, les nuages s’allongent, le ciel prend une couleur noire, puis l’orage éclate. Dix minutes plus tard, l’autocar faillit s’enliser. Des traînées de pierres se sont amoncelées sur la route. Il faut dégager la voie. Les orages d’été, nous apprend Hrou Aboucharif, peuvent déverser 40 mm d’eau en 15 minutes. «Toute cette eau coule dans l’oued, qui déborde et cause des dégâts». Elémentaire, mon cher Watson, mais combien cruel.
50 ha de pomme de terre dévastés par les crues de l’Assif Melloul
Indifférent au déluge, un paysan, sa faux à la main, contemple le désastre. Son potager est désormais submergé par une eau boueuse. Déjà la semaine précédente, les crues de l’Assif Melloul ont saccagé 50 ha de pomme de terre, soit un million de dirhams partis en fumée, perte immense pour une population dont le revenu moyen par habitant n’excède pas 2000 DH par an. Plus loin, une vieille femme arrache herbe et sarments au sol, qui serviront à nourrir le bétail, à attiser le feu quand la nuit sera tombée. «Le problème, c’est que ces femmes déracinent les buissons qu’elles arrachent, détruisant ainsi le couvert végétal», se désole Hrou Aboucharif.
L’averse s’arrête d’un seul coup. Nous pouvons reprendre la route. Une nuée d’enfants déboulent des hauteurs. La litanie des 4 x 4 suscite leur curiosité. Quand une voiture s’arrête, ils s’agglutinent autour, quémandant pièces de monnaie, bonbons, cahiers et stylos. Cahiers et stylos, on se demandent ce qu’ils vont en faire, vu que seuls 37 % d’entre eux sont scolarisés, dont 7 % de jeunes filles. «Je ne comprends pas pourquoi les autorités exigent que nous envoyons nos enfants à l’école. Nous n’avons pas les moyens de leur acheter les fournitures, puis les établissements sont souvent fermés l’hiver à cause de la neige, enfin nos enfants nous sont plus utiles aux champs et aux pâturages», s’étonne Moha. Quatre hommes, adossés à un muret jaune, interrompent leur conversation, pour lui donner raison. A quelques pas, deux vieillards se tiennent compagnie, les yeux clos. A quoi rêvent-ils ? Mystère et boule de gomme.
Trois heures plus tard, nous voilà arrivés en fin à Imilchil. Le village mérite bien son nom. Il est effectivement un «Imi n’lkil», c’est-à-dire une «porte d’approvisionnement». Mais à part son effervescence mercantile, il ne vaut pas le détour. Ce n’est, après tout, qu’un gros bourg, sans âme et sans attraits. Cependant, il s’est transformé grâce au Festival des musiques des cimes, qui y plante son décor du 25 au 27 août.
Attirés par la rumeur qui palpite dans l’unique artère d’Imilchil, nous l’empruntons. Bordée d’hôtels, d’auberges, de cafés et d’épiceries, elle est arpentée, ce soir-là, par une foule bigarrée, héréroclite, joyeuse, qui brave l’obscurité ambiante. Le seul groupe électrogène dont dispose le village a rendu l’âme, encore une fois. D’ailleurs, on s’en passerait bien, vu qu’à lui seul, il absorbe 40 millions de centimes d’un budget qui ne dépasse pas 126 millions. Mais les visiteurs ne s’en accommoderaient pas. Eux qui déjà essuyent le désagrément de ne pas pouvoir faire leur toilette, faute d’eau. Pourtant «le puits d’Imilchil est creusé jusqu’à 51 m, il est constamment plein jusqu’à 45 m. Il alimente deux châteaux d’eau. Malheureusement, la pompe tombe souvent en panne», précise Hrou Aboucharif.
Habitués à ces défaillances, les commerçants, les restaurateurs et les cafetiers ne se démontent pas. Loin s’en faut. Leurs visages brûlant d’une lueur ocre, pareille à la flamme des bougies, sont radieux. Les affaires tournent à plein régime. Hamou, un colosse hilare, bénit le festival, qui lui permet de gagner, en quatre jours, de quoi passer confortablement l’hiver.
ROUICHA MOHAMED

muttiten imttiten dranin, issen Merrok seg tagara n tasut tis 19, ad yiwin gher imussuten ggutnin n trubba d imadanen. Awin ntteni, g tesga nnesen, s usnnifel n tghara n tudert d tlalit negh asnnulfu n wanawen yâden n umarg d uzawan.
Amki, g Atlas anammas, ggurand temdinin timjahdiyin zund Xnifra, Azêru, Àin Llûh. Ar digsent tmmunant trubba n imezwagen nna n iflen imizar d trehhâlt ddun d ad nadan tawuri negh ighimi g idgharen ad imaynuten. Tudert n tmedint ur tenmala d tghara n tudert myaren inejda d irehhâlen g uzemz izwaren ighimi nnesen. Mkan nit af sul ur ufin ad gin izlan d ihîdas s tgharast tamhâlt. Maca ur ghin ad ghaman sellagh sllan i umarg negh t usin. Izdagh timektit nnesen immghin g uzemz ighezzifen n watlas. Afad ur festan, ttun igezzayen n tiddi, senmalan taysi nnesen d tilawt tamaynut. Tayri yad, ad ifkan udem yâden i izli negh tamawayt, sul nit ittnunuyen g imizar issutlen i temdinin ad.
Anawen ad ur ka ngaran d willig d ffaghen s teghzi n turarin, negh s tghawisin yâdenin llif ttyawzdânt tguriwin n izlan, ngran sul didsen s imassen d twila n trubba ttyawskarnin. Ig llan wid istin amzad (violon), llan wid iran ad smunen urar nnesen d idinanen n lutâr. Wid gguranin ag yega Muhêmmad Lhwari, itussan s Rwica.
Ilul g tmedint n Xnifra g useggwas n 1950. Yega g ixataren n umarg d uzawan amaynu g tesga yad n Watlas g tama n Mgheni, Hammu Lyazid, Hadda u-àkki, Crifa, d wiyyâd.
Ur ikki yat g tinmel s igh t ifel, yasi adinan ar ittinig tiyyat sul imêzziy. Mad ilmed ayen t iwdan ad ighi ad iskar tiyffarin nnes, isat, seg tagara n iseggwasen n 1960, ar ittirir izlan nnes, ar ittaws g iwizen nna llanin g Xnifra d temdinin yâden n Watlas d Merrok.
Ittussan mas yega anemghur n Lutâr. Tagharast yufan llis ikkit idinanen ad t izemmêzlin nger inazûren yadên. Zegh llig isat issufegh d kigan d tesfifin, yawes g tlalit n kigan d inazûren d tnazûrin, zun d Crifa.
Rouicha, ar ittirir tayri, agama, tudert d tmmariwin nnes, tamettant, taghdemt tamettit d tsertit.
Amki, g Atlas anammas, ggurand temdinin timjahdiyin zund Xnifra, Azêru, Àin Llûh. Ar digsent tmmunant trubba n imezwagen nna n iflen imizar d trehhâlt ddun d ad nadan tawuri negh ighimi g idgharen ad imaynuten. Tudert n tmedint ur tenmala d tghara n tudert myaren inejda d irehhâlen g uzemz izwaren ighimi nnesen. Mkan nit af sul ur ufin ad gin izlan d ihîdas s tgharast tamhâlt. Maca ur ghin ad ghaman sellagh sllan i umarg negh t usin. Izdagh timektit nnesen immghin g uzemz ighezzifen n watlas. Afad ur festan, ttun igezzayen n tiddi, senmalan taysi nnesen d tilawt tamaynut. Tayri yad, ad ifkan udem yâden i izli negh tamawayt, sul nit ittnunuyen g imizar issutlen i temdinin ad.
Anawen ad ur ka ngaran d willig d ffaghen s teghzi n turarin, negh s tghawisin yâdenin llif ttyawzdânt tguriwin n izlan, ngran sul didsen s imassen d twila n trubba ttyawskarnin. Ig llan wid istin amzad (violon), llan wid iran ad smunen urar nnesen d idinanen n lutâr. Wid gguranin ag yega Muhêmmad Lhwari, itussan s Rwica.
Ilul g tmedint n Xnifra g useggwas n 1950. Yega g ixataren n umarg d uzawan amaynu g tesga yad n Watlas g tama n Mgheni, Hammu Lyazid, Hadda u-àkki, Crifa, d wiyyâd.
Ur ikki yat g tinmel s igh t ifel, yasi adinan ar ittinig tiyyat sul imêzziy. Mad ilmed ayen t iwdan ad ighi ad iskar tiyffarin nnes, isat, seg tagara n iseggwasen n 1960, ar ittirir izlan nnes, ar ittaws g iwizen nna llanin g Xnifra d temdinin yâden n Watlas d Merrok.
Ittussan mas yega anemghur n Lutâr. Tagharast yufan llis ikkit idinanen ad t izemmêzlin nger inazûren yadên. Zegh llig isat issufegh d kigan d tesfifin, yawes g tlalit n kigan d inazûren d tnazûrin, zun d Crifa.
Rouicha, ar ittirir tayri, agama, tudert d tmmariwin nnes, tamettant, taghdemt tamettit d tsertit.
AfulayParis, yunyu 2003
Les mutations sociales que le Maroc a connues au XXe siècle ont été à l’origine d’une mobilité croissante de la population amazighophone. Le Moyen Atlas a ainsi vu l’émergence de petites villes comme Khénifra, Azrou et Ain Leuh, nouveaux lieux de concentration de migrants dépastoralisés. Une tradition artistique nouvelle prend alors forme dans ces lieux non conformes aux formes musicales pastorales ou villageoises. Elle emprunte à l’izli sa matrice rythmique et ses thèmes mais s’en distingue en étant à cheval entre l’art des chioukh au violon, comme Hammou Lyazid, et les izlan traditionnels. Elle se caractérise par l’emploi du loutar, la composition d’izlan plus au moins longs et la formation d’une troupe composée outre du chanteur, de tambourineurs et de chikhats pour le chœur et la danse.
Mohammed El Houari, alias Rouicha, né en 1950 à Khénifra (environ 200 km au sud de Fès), représente à côté de Mohammed Meghni, la figure de proue de cette tradition nouvelle. Ayant quitté très tôt l’école pour s’adonner à l’art de la chanson, il ne tarde pas, après une phase d’imitation, à composer lui-même des morceaux à partir de la fin des années soixante et à se produire sur la scène marocaine.
Rouicha est célèbre par sa maîtrise parfaite du loutar, instrument emblématique de la région, et une exécution singulière du genre d’izli. Durant tout son parcours, il a participé à la formation de nombreuses figures artistiques de cette tradition comme la chanteuse Chérifa. Rouicha chante l’amour, la nature, l’aspect tragique de la vie, la mort, la justice sociale, la politique.
AfulayParis, juin 2003
Glossaire
Mohammed El Houari, alias Rouicha, né en 1950 à Khénifra (environ 200 km au sud de Fès), représente à côté de Mohammed Meghni, la figure de proue de cette tradition nouvelle. Ayant quitté très tôt l’école pour s’adonner à l’art de la chanson, il ne tarde pas, après une phase d’imitation, à composer lui-même des morceaux à partir de la fin des années soixante et à se produire sur la scène marocaine.
Rouicha est célèbre par sa maîtrise parfaite du loutar, instrument emblématique de la région, et une exécution singulière du genre d’izli. Durant tout son parcours, il a participé à la formation de nombreuses figures artistiques de cette tradition comme la chanteuse Chérifa. Rouicha chante l’amour, la nature, l’aspect tragique de la vie, la mort, la justice sociale, la politique.
AfulayParis, juin 2003
Glossaire
Ahidous : terme qui recouvre chez les Imazighen (ici, Berbères originaires du Moyen Atlas ou du Haut Atlas oriental) un grand nombre de danses collectives différentes, chantées avec accompagnement de tambours.
Izli (pl. Izlan) : poésie chantée au début de l’ahidous souvent sous forme de joute. L’izli est composé de deux vers généralement.
Loutar : luth à trois ou quatre cordes.
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